Lâcher nos parts fortes
- Virginie Lambre
- 15 mars
- 3 min de lecture
Avec le temps, j'ai fini par comprendre que quand une expérience m'est proposée et que je vois une, puis deux, puis trois, puis plus encore de mes connaissances ou personnes qui viennent me voir en tant que thérapeute la vivre, alors il s'agit assez probablement d'une expérience en train d'être vécue sur un plan plus collectif.
Pour un certain nombre d'entre nous, la Vie semble ainsi nous inviter en ce moment à baisser les armes.
Baisser les armes ne veut pas dire perdre le combat. C'est simplement reconnaître qu'il n'y a pas de combat, qu'il n'y en a jamais eu d'autre qu'entre soi et soi-même.
La Vie à parfois pu nous présenter des expériences peu évidentes et nous avons appris à les affronter seuls, sans s'appuyer vraiment sur personne, par choix ou par défaut. Nous avons alors développé une grande capacité à tenir bon, à surmonter des évènements difficiles. Nous avons ainsi développé une grande force intérieure. Comme un trésor qui ne demandait qu'à se révéler, la Vie nous a mis sur la voie, souvent inconfortable, pour trouver en nous cette ressource si précieuse.
Une fois trouvée, il faut souvent un peu de temps avant de le réaliser et d'être capable de la sentir, de s'en reconnaître la qualité. Cela demande une certaine prise de recul pour se "voir fort", surtout quand cette force a émergée de situations de faiblesses (après un trauma, face à une maladie, après une rupture ou un deuil, ...).
Quand cette force s'est finalement posée, ancrée en soi, et que nous sommes capables de la sentir, la dernière étape (tout aussi compliquée que les précédentes !), consiste alors à savoir la lâcher.
Vaste programme ...
Comment lâcher ce qui a été le moteur de notre avancée ? Ce sur quoi nous nous sommes appuyés pour aller de l'avant ? Cela paraît, pour l'ego, inconcevable.
La suite du chemin est pourtant à ce prix.
Car nos parts fortes nous protègent. Et, comme tout mécanisme de protection, elles finissent par nous enfermer si nous les laissons toujours aux manettes.
Quand nous nous sommes prouvés que nous savions agir avec force, alors nous pouvons entamer le chemin inverse qui consiste à nous prouver que nous pouvons agir avec vulnérabilité.
C'est d'ailleurs ici que réside la vraie force : dans cet espace où nous pouvons la laisser de côté.
Ainsi déposée à côté de nous, nous pouvons alors prendre le risque de ne pas être le plus fort, de ne pas contrôler, d'avoir besoin de l'autre, le risque d'être à nouveau atteint, déçu, blessé mais aussi le risque d'être soutenu, aimé, compris. La Vie est ce qui se passe dans cet espace de risque, d'incertitude, d'inconnu et cet espace ne jaillit pleinement que quand la force abdique.
Honorer sa vulnérabilité comme une force devient alors une des clés fondamentales du chemin.
Pour celles et ceux dont la vulnérabilité à été utilisée comme une brèche, le chemin peut être long. Mais il arrive toujours un moment où tenir sur ses parts fortes arrête de sonner juste, où le schéma enferme plus qu'il ne protège. Il est alors temps de s'ouvrir à nouveau aux autres parts de nous-même qui demandent à s'exprimer, à recevoir, à expérimenter autre chose : se laisser faire, se laisser aller, s'ouvrir.
Baisser sa garde est par ailleurs le meilleur moyen de laisser entrer dans nos vies des personnes fortes, celles dont nous aspirons à l'appui et au soutien. Comment pourraient elles rentrer si nous ne nous leur en laissons pas la place et occupons tout le terrain ? La force de l'autre se révèle quand je lui en laisse l'espace pour s'exprimer.
La Vie nous propose d'offrir de l'espace à cette force extérieure autant espérée que redoutée, d'oser sa vulnérabilité, d'avoir le courage de se laisser approcher, cueillir avec délicatesse.
C'est dans cet espace ouvert, de non résistance à ce qui est, que réside toute la puissance de la force.



